CONNAISSANCE DE BASE DU CONCEPT DE L’AGROECOLOGIE.

Définition de l’Agroécologie

L’utilisation du terme et du concept d’agroécologie s’est fortement développé durant la dernière décennie, avec une acception variable selon les pays et les communautés. En tant que science, l’agroécologie a été initialement définie comme une application de l’écologie à l’étude, la conception et la gestion d’agroécosystèmes durables, d’abord développée à l’échelle de la parcelle, pour comprendre et valoriser les régulations biologiques au niveau du paysage (champ cultivé, haie, corridor forestier). Avec la contribution des sciences humaines et sociales (sociologie, économie, géographie), l’agroécologie s’adresse aussi de plus en plus à des niveaux d’organisation plus englobant à l’échelle des territoires, des communautés et des systèmes alimentaires. Le champ prospecté par cet ensemble disciplinaire s’est ainsi considérablement étendu pour devenir, au sens le plus large, l’étude intégrative de l’ensemble de l’écologie des systèmes alimentaires, incluant les dimensions écologiques, économiques et sociales (Francis et al., 2003). Au-delà du courant scientifique, certains producteurs, acteurs du développement et collectifs de la société civile (organisations de producteurs ou de consommateurs) se réclament également de l’agroécologie en tant que pratique et mouvement social, et contribuent à son évolution pour élaborer des alternatives plus durables au système alimentaire conventionnel (Wezel et al, 2009). En dépit des multiples définitions et courants, certains principes communs à l’agroécologie (diversification des espèces et variétés, recyclage des biomasses, interactions et synergies biologiques bénéfiques, valorisation des savoirs locaux…) constituent un cadre d’étude et d’action de plus en plus reconnu au niveau international, notamment pour l’amélioration des conditions de vie et de la sécurité alimentaire des petits producteurs dans les pays en développement (FAO, 2015).

2-L’agroécologie : une alternative pour une agriculture durable

L’agroécologie vise à concilier, dans la durée, productivité des systèmes agricoles et préservation des ressources naturelles (sol, eau et biodiversité). Elle tient compte de composantes économiques, sociales et environnementales (approche systémique) pour combiner des pratiques permettant un équilibre entre les personnes, les activités agricoles et le milieu (figure 1).

Figure 1 : Composantes de l’agroécologie

L’agroécologie vise un équilibre du milieu pour le développement des activités agricoles. Elle combine des pratiques qui minimisent les effets négatifs et maximisent les effets positifs (du milieu sur l’exploitation et d’une exploitation sur son milieu).

Exemple d’effets positifs

Au planenvironnementalAu plaéconomiqueAu plasocial
-Amélioration etmaintien de la

fertilité du sol,préservation de

l’eau et de l’agro-biodiversité

-Protection contreles pollutionsagricoles ;-Réduction despressions sur lesagrosystèmes.
-Amélioration des marges des

activités

-Possibilité de meilleure valorisation des produits sur lesMarchés.
-Sécurité alimentaireet nutritionnelle

-Valorisation des ressources locales

Une réponse efficace pour concilier productivité, développement socio-économique et préservation des agrosystèmes. L’agroécologie s’applique à tous types d’exploitations, des plus petites exploitations familiales aux plus grandes exploitations agro-industrielles. Elle s’applique également aux diverses activités : maraîchage, riziculture, arboriculture fruitière, élevage, cultures vivrières et de rente, etc.

Elle doit être mise en œuvre à l’échelle de l’ensemble d’un espace productif : terroir, bassin-versant, bas- fond, périmètre de production. Une exploitation pratiquant l’agroécologie aura un impact plus important sur la préservation de son agrosystème si ses voisins adoptent les mêmes pratiques.

L’agroécologie combine des réponses d’ordre technique qui permettent à l’Homme de concilier productivité avec faible pression sur l’environnement et gestion durable des ressources naturelles. Elle prend en compte les interactions entre le sol, l’eau, la plante et l’animal dans un objectif d’intégration de l’activité dans le milieu et repose sur des principes clés de gestion de ces éléments (Sol, Eau, Plante et Animal).

3-La notion de transition agroécologique

Les préoccupations liées à la préservation et gestion des ressources naturelles ne sont pas nouvelles en Afrique de l’Ouest et du Centre et ont donné lieu à la promotion de nombreuses pratiques déjà bien documentées (agroforesterie, conservation des eaux et des sols, intégration agriculture-élevage) (Masse et al., 2015) dont la plupart sont désormais inclues dans les démarches en agroécologie. Cependant, mis à part l’adoption à grande échelle de quelques pratiques comme la régénération assistée des parcs arborés (sur plusieurs millions ha), l’aménagement des terres (cordons pierreux, zaï) et la production de fumure organique de qualité dans certaines régions, la mise en œuvre des diverses techniques agro- écologiques existantes reste limitée. La transition agroécologique vise à réunir les conditions pour lever les freins et contraintes auxquels se heurtent les agriculteurs dans l’adoption de ces pratiques. Au-delà des techniques de production, les interventions doivent ainsi aborder les questions de coordination et concertation des activités à l’échelle des territoires, mais aussi de nouvelles formes de mise en marché pour encourager la production et consommation de produits issus de systèmes plus durables.

Dans le cadre de cette transition, la prise en compte des diverses dimensions et échelles de l’agroécologie nécessite du temps et des moyens mais aussi un changement de posture des différents acteurs concernés de la production à la consommation. Cela passe non seulement par la formation et la sensibilisation des acteurs des filières et des collectivités locales, mais aussi par la promotion de nouvelles pédagogies et dispositifs de conseil et d’appui qui s’inscrivent dans une logique d’accompagnement plutôt que de simples diffusions de pratiques. Le contexte du système agraire peut fortement influencer l’engagement des producteurs dans cette transition. Elle est probablement déjà en cours dans certaines zones sahélo-soudaniennes, caractérisées.

Par des systèmes de culture et d’élevage extensif, à faible usage d’intrants, où la pression sur les ressources (sols, eau, pâturage) est telle que les modes de production traditionnels ne sont plus possibles. De ce fait, des pratiques d’optimisation de l’usage des ressources (conservation des eaux et sols, valorisation des fumures organiques, sédentarisation de l’agriculture) s’imposent aux agriculteurs pour sortir de la spirale de la pauvreté et de l’insécurité alimentaire. En revanche, la transition sera sans doute plus difficile à amorcer dans les zones de tropiques humides à base de cultures pérennes commerciales (cacaoyer, caféier, hévéa, palmier à huile) où le moteur agricole reste l’exploitation de la fertilité accumulée dans le sol forestier avant plantation.

La transition agroécologique doit aborder l’exploitation agricole dans sa globalité mais aussi s’insérer dans des dynamiques territoriales et des filières. Elle doit ainsi rechercher une cohérence à l’échelle du territoire, en particulier les interactions positives (et non destructrices) entre agriculture et élevage, accroissement de la production de bois énergie et celle des cultures, etc. Le rôle des filières est aussi à prendre en compte, avec notamment l’influence de nouvelles formes de commercialisation orientées vers l’agriculture durable (transformation locale, circuits courts, labellisation).

Article publié par Dr OUATTARA Zana, géographe ruraliste, spécialiste en agriculture urbaine et consultant formateur en agroécologie.

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